Fanfares liturgiques au Lucerne Festival

Fanfares liturgiques au Lucerne Festival

Le Lucerne Festival déroule son programme pascal jusqu’au 25 mars. La musique française n’affiche qu’une présence discrète dans la trentième édition de ce festival centré sur la musique sacrée et symphonique, mais deux œuvres méritent le détour.

Les jeunes instrumentistes et choristes de la Haute école de musique de Lucerne (dirigés par Ulrike Grosch) viendront ce lundi 19 mars 2018 « en voisins » pour un concert dédié à Bruckner et Henri Tomasi. Ce dernier fait figure de rareté, puisque les occasions d’écouter en concert la musique de ce compositeur français sont plutôt rares, du moins en Suisse (bien que Tomasi ait dirigé plusieurs productions au Grand Théâtre de Genève avant d’abandonner la direction d’orchestre en 1956) !

Né en 1901 à Marseille de parents corses, Tomasi a mené de front une carrière de chef d’orchestre et de compositeur à Paris, où il est décédé en 1971. Ce musicien aux profondes convictions pacifistes et humanistes a aussi été pris d’une crise mystique au cours de la Deuxième guerre mondiale, ce qui l’a amené à se retirer dans une abbaye dominicaine située non loin de sa ville natale. C’est là qu’il a composé plusieurs chefs d’œuvres, dont Don Juan de Mañara (1941-44), un opéra en quatre actes basé sur une pièce spirituelle du poète franco-lituanien Oscar Milosz. L’ouvrage n’a été créé qu’en 1952 à Paris dans une version de concert : Une première version scénique a été présentée quatre ans plus tard à Munich.

Précédant ces créations, Tomasi avait déjà repris l’œuvre pour en tirer en 1947 les Fanfares liturgiques, ouvrage pour cuivres et percussions en quatre volets. Chacun des mouvements – successivement titrés Annonciation, Evangile, Apocalypse et Procession nocturne du Vendredi Saint – évoque un aspect significatif de la foi chrétienne. Au dernier mouvement s’ajoute une partie chorale et une voix de soprano solo.

L’œuvre de Tomasi, riche d’une bonne centaine d’œuvres, couvre à peu près tous les genres, des productions lyriques et chorégraphiques à la musique de chambre et aux mélodies pour voix soliste, en passant par des œuvres symphoniques et de nombreux concertos. Son écriture s’étend d’un style ravélien à l’atonalisme, sans pour autant s’écarter d’un langage du cœur teinté de méridionalisme : « La Méditerranée et sa lumière, ses couleurs, c’est cela pour moi la joie parfaite. La musique qui ne vient pas du cœur n’est pas de la musique. Je suis resté un mélodiste ».

De belles émotions en perspective donc à l’écoute des Fanfares liturgiques à l’affiche du Lucerne Festival ! Le programme comporte aussi une œuvre majeure du compositeur français Olivier Messiaen, Des canyons aux étoiles, interprété par l’Ensemble Intercontemporain (Paris) et l’Ensemble des Lucerne Festival Alumni (KKL, vendredi 23.03 à 19h30). On y reviendra.

Où et quand : Eglise des Franciscains (Franziskanerkirche), lundi 19 mars 2018 à 19h30.

Pour en savoir plus : un site très complet (en français) est dédié à Henri Tomasi.
Un enregistrement des Fanfares liturgiques peut être écouté sur Spotify

Légende photo
LUCERNE FESTIVAL (Festival de Pâques 2016) – Concert choral placé sous la direction de Ulrike Grosch
Copyright: LUCERNE FESTIVAL/ Priska Ketterer

Question de style chez les étudiants musiciens

Question de style chez les étudiants musiciens

La Haute école de musique de Lucerne dédie cette année son festival Szenenwechsel à la musique française.

A la Haute école de musique de Lucerne, on étudie les nombreuses disciplines de la musique classique et le jazz. Mais aussi la musique folklorique et le registre contemporain. Chaque année à la fin janvier, l’école partage cette vaste palette sonore avec les mélomanes à l’enseigne de son propre festival Szenenwechsel.

Des changements de décor, il y en aura beaucoup tout au long de cette semaine musicale intitulée « Question de style ». La haute école lucernoise a choisi le centenaire de la mort de Claude Debussy – compositeur à la croisée des chemins de la tradition et de la modernité – comme point de départ d’un programme largement dédié à la musique française. Au gré des six concerts à l’affiche, il ne sera pas seulement question de franchir un « Röstigraben » linguistique, mais aussi de repenser certains clichés.

Trois concerts sont exclusivement consacrés à des compositeurs français. Les Vêpres d’orgue du 30.01 (Jesuitenkirche, 18h15) proposent des œuvres des XVIIe et XVIIIe siècles (Jean-Adam Guilain, Louis-Nicolas Clérambault, Nicolas de Grigny, François Couperin) opposées à des compositions plus récentes des XXe et XXIe siècles (Olivier Messiaen, Thierry Escaich, Loïc Mallié), jouées par des élèves de la classe d’Elisabeth Zawadke.

A l’enseigne de Symphonie fantastique (31.01 à 19h30, KKL), la Junge Philharmonie Zentralschweiz se joint au Luzerner Sinfonieorchester pour interpréter la célèbre symphonie d’Hector Berlioz qui avait fait l’effet d’une bombe lors de sa création en 1830. Maurice Ravel (Introduction et Allegro pour harpe, clarinette et quatuor à cordes) et Francis Poulenc (Concerto pour piano, interprété par Florian Hoelscher) figurent également au programme de cette soirée symphonique dirigée par Jacek Kaspszyk.

Le projet présenté par le Studio de musique contemporaine (02.02 à 19h30, Neubad) s’interroge sur la persistance ou non d’un « style français » chez des grands maîtres du XXe siècle (Iannis Xenakis, Pierre Boulez, Edgar Varèse) et leurs descendants (Philippe Hurel, Gérard Pesson, Yan Maresz).

Dans le registre de la musique de chambre (soirée Akzente du 01.02 à 19h30, Marianischer Saal), Francis Poulenc ouvre la voie au divertissement avec son Sextuor pour piano, flûte, hautbois, clarinette, cor et basson, auquel la Music Hall Suite du Britannique Joseph Horovitz répond sur un ton encore plus humoristique. Retour à un style plus racé en clôture de soirée avec le sextuor à cordes Souvenir de Florence de Tchaïkovski.

Les virtuoses de la musique folklorique, respectivement du jazz, ouvrent et referment ce festival : les uns avec un Mélange individuel aux influences multiples et au parfum de bal musette (29.01 à 20h, Jazzkantine), les autres avec une soirée New Bottle – Old Wine (04.02 à 19h, Luzerner Saal KKL) digne du Hot Club de France.

Lucerne Festival, sélection française

Lucerne Festival, sélection française

Le Festival de Lucerne (osons une traduction en français !) ouvre ses portes ce soir sous le thème de « L’identité » : un terme souvent galvaudé, estime le directeur Michael Haefliger dans le mot d’introduction du programme. Naît-on avec une « identité » ou est-ce un bagage qui se constitue en cours de route, par le biais de l’éducation, du milieu social, des expériences de vie. Ne serions-nous pas tous en quête du « moi » une vie durant ?

Tout comme Stravinski, Prokofiev, Rachmaninov et bien d’autres compositeurs qui ponctueront les concerts des quatre semaines à venir, la « Genevoise » (d’origine anglaise) que je suis vit elle aussi en « exil » en Suisse centrale… et garde une affection toute particulière pour tout ce qui a trait à la culture francophone. Voici donc la « sélection française » de l’édition 2017 du festival lucernois (11 août au 10 septembre).

Concerts symphoniques

Le plus français de l’ensemble des concerts aura lieu mardi 29 août (19h30). L’Orchestre de l’Opéra National de Paris interprétera sous la direction de son chef attitré Philippe Jordan un programme entièrement dédié à des compositeurs français : Claude Debussy (Prélude à l’après-midi d’un faune), Camille Saint-Saëns (5e Concerto pour piano) et Hector Berlioz (Symphonie fantastique). Rappelons au passage que le film documentaire que le réalisateur lausannois Jean-Stéphane Bron a consacré à l’Opéra de Paris est toujours à l’affiche du cinéma Bourbaki (SA 13.08 et MA 15.08 à 11.30).

Des compositeurs français figurent aussi au programme de quelques autres concerts symphoniques. Le West-Eastern Divan Orchestra jouera Ma Mère l’Oye et Le Tombeau de Couperin de Ravel sous la direction de Daniel Barenboïm (MI 16.08), alors que le Royal Philharmonic Orchestra propose La Mer de Debussy et le Boléro de Ravel sous la baguette de Charles Dutoit (VE 08.09). Debussy encore en clôture de festival (DI 10.09), avec la suite de l’opéra Pelléas et Mélisande interprétée par l’Orchestre Philharmonique de Vienne (sous la direction de Daniel Harding).

Musique de chambre

Dans registre de la musique de chambre – pourtant très prisé par de nombreux compositeurs français – les incursions en terres francophones se feront rares au cours du festival lucernois. Tout au plus trouve-t-on l’Introduction et Rondo capriccioso de Camille Saint-Saëns (par Valeriy Sokolov, violon, et Evgeny Izotov, piano, concert Débuts 5 du 31.08) et deux pièces pour trombone et piano : la Sonatine de Jacques Castérède et la Pièce en forme de Habanera de Ravel (par Michael Buchanan et Kasia Wieczorek, concert Débuts 6 du MA 05.09). A ces œuvres d’auteurs francophones ajoutent les Trois esquisses japonaises pour harpe du compositeur vaudois Julien-François Zbinden dans le cadre du récital de la harpiste Elisa Netzer (concert Débuts 3 du JE 24.08).

Les amateurs de musique française ont aussi rendez-vous à l’église des Jésuites pour la messe du dimanche 27 août, où l’Ensemble vocal et l’orchestre du Collegium Musicum (sous la direction du Fribourgeois Pascal Mayer) interpréteront la Messe à 8 voix de Marc-Antoine Charpentier.

Artistes français

Reste à relever la présence de quelques artistes français à l’affiche du festival : la mezzo-soprano Sophie Koch (interprète des mélodies Le Faune et la bergère de Stravinski avec le Lucerne Festival Orchestra, SA 19.08), le chef d’orchestre François-Xavier Roth (avec le Mahler Chamber Orchestra, ME 23.08) et le violoncelliste Gautier Capuçon (avec le City of Birmingham Symphony Orchestra, DI 03.09). A ces trois interprètes de réputation internationale s’ajoutent deux jeunes représentantes françaises de la nouvelle génération : la saxophoniste Valentine Michaud (Prix Credit Suisse Jeunes Solistes 2017, concert Débuts 1 du JE 17.08) et la harpiste Mélanie Genin (concert Young performance du DI 10.09).

L’ensemble du programme du Lucerne Festival peut être consulté en ligne en français.

(Photo: L’Orchestre de l’Opéra de Paris – Lucerne Festival © Christian Leiber/onp)

Musicien « genevois » à découvrir

Musicien « genevois » à découvrir

Pour la troisième saison consécutive, les « Sempacher Tuchlaubenkonzerte » proposent leurs trois concerts annuels dans le bâtiment historique (construit en 1474) de l’Hôtel de Ville de Sempach. Le prochain rendez-vous dans l’ancienne salle des drapiers réunira samedi 13 mai 2017 la flûtiste Mirjam Lötscher et le pianiste André Docummun. Ces deux artistes bien établis en région lucernoise ont choisi de faire la part belle à des compositeurs de la région, avec en prime une création mondiale de Reto Stadelmann, un compositeur originaire de l’Entlebuch aujourd’hui établi en Allemagne.

Jeunesse en pays romand

A première vue, il n’y a rien de bien francophone à tout cela… sauf que Joseph Lauber, l’un des compositeurs à l’affiche (avec sa Grande sonate pour flûte et piano, op. 53), s’identifie bien davantage aux musiciens romands que lucernois. Né dans le village lucernois de Ruswil en 1864, ce fils de tailleur (et violoniste amateur) a déjà passé sa jeunesse à Neuchâtel, où son père dirigeait un petit orchestre de brasserie. Il est ensuite allé faire ses gammes au Conservatoire de Zurich, avant de devenir l’élève de Josef Rheinberger à Munich. De retour en pays neuchâtelois, il occupe ensuite des postes d’organiste à Serrières et au Temple français du Locle, avant de mettre le cap sur Paris pour se perfectionner auprès de Jules Massenet (composition) et Louis Diémer (piano).

Nommé à Genève

Joseph Lauber (Entlebucher und Emmentaler Musikarchiv, S. Schmid)

En 1897, Lauber est nommé professeur au Conservatoire de Zurich, mais il ne restera que quatre ans sur les bords de la Limmat. En 1901, il devient (pour six ans) premier chef d’orchestre au Grand Théâtre de Genève, où dirige notamment la première représentation genevoise de l’opéra Louise de Gustave Charpentier. Dans un même temps, il est nommé professeur au Conservatoire de Genève, un poste qu’il conservera jusqu’en 1951 ! Au fil de ce demi-siècle d’activité à l’institution de la Place Neuve (où il est aussi devenu doyen), Lauber a notamment enseigné le piano, l’histoire des formes et styles, l’instrumentation, l’improvisation et la composition libre. Parmi ses élèves figurent des compositeurs de renom comme Frank Martin, mais aussi Henri Gagnebin, André-François Marescotti et Bernard Reichel.

Abondante production

Largement oublié aujourd’hui par les organisateurs de concerts, Joseph Lauber est pourtant l’auteur d’un catalogue assez impressionnant, qui totalise quelque 200 œuvres ! Outre un opéra (La Sorcière, sur un livret de l’écrivaine et poétesse suisse Isabelle Kaiser), le compositeur a aussi signé nombre d’œuvres pour chœurs ou voix solistes. Parmi ces dernières figure le « Festspiel » Neuchâtel Suisse ainsi que l’Ode lyrique (1912) composée à l’occasion de la Fête fédérale de chant de Neuchâtel. Nombre d’œuvres vocales de Lauber ont été créées dans le cadre des Fêtes de l’Association suisse des musiciens, dont le musicien était un membre fondateur.

Ce compositeur d’origine lucernoise s’est en outre illustré dans le registre orchestral – notamment avec une douzaine de pièces concertantes et six symphonies – et le domaine de la musique de chambre, où il a signé entre autres plusieurs œuvres pour flûte, mais aussi pour la contrebasse. Fortement influencé par le romantisme tardif, Lauber a aussi témoigné au fil de son œuvre de son admiration pour des représentants de l’impressionnisme français comme Debussy et Fauré. Nommé docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel en 1941, Lauber est décédé le 28 mai 1952 à Genève, à l’âge de 87 ans.

Une cantate pour Sempach

Nombre de compositions de Lauber font explicitement référence au patrimoine populaire et à l’histoire de la Suisse. Son catalogue comprend ainsi une cantate pour soprano et orchestre intitulée Sempach (1903-04), qui vient s’ajouter à la riche production d’œuvres inspirées par cette bourgade lucernoise et la célèbre bataille qui s’y est déroulée en 1386. On y reviendra… après avoir dégusté le prochain concert de la série des « Sempacher Tuchlaubenkonzerte » !

Femmes de Jérusalem

Femmes de Jérusalem

L’église des Jésuites de Lucerne est l’un des plus beaux édifices baroques en Suisse. Inauguré en 1677, ce bâtiment classé parmi les biens culturels d’importance nationale vient d’ailleurs de retrouver toute sa splendeur au terme d’une année entière de travaux de restauration.

Ce lieu de culte est aussi un haut-lieu de l’art musical. L’église des Jésuites dispose depuis 1982 de sa propre chapelle musicale, le Collegium Musicum Luzern. Celle-ci a été fondée par Alois Koch, ancien recteur de la Haute école de musique de Lucerne. Depuis août 2009, le Collegium Musicum est placé sous la direction artistique d’un chef romand, le Fribourgeois Pascal Mayer.

Tout au long de cette saison 2016-2017, le programme musical de l’église des Jésuites est dédié à des musiciens suisses, pour certains très peu connus des mélomanes et qui méritent d’être remis en valeur. Lors de la messe du dimanche de Pâques (16.04.17 à 17h), les fidèles sont ainsi invités à entendre une Missa Solemnis en ré majeur de Constantin Reindl (1738-1798), un jésuite d’origine bavaroise qui officié comme directeur musical à Lucerne au milieu du XVIIIe siècle.

Méditation du Vendredi Saint

Lors de la « Méditation du Vendredi saint », c’est une compositrice fribourgeoise qui sera à l’honneur. L’ensemble vocal du Collegium Musicum interprète quatre pièces du cycle Femmes de Jérusalem de Caroline Charrière. Cette musicienne née en 1960 à Fribourg a accompli tant des études de flûte traversière que de composition (auprès du compositeur suisse Jean Balissat) et de direction d’orchestre. Depuis près d’une vingtaine d’années, son catalogue d’œuvres ne cesse de s’enrichir, aussi bien dans le registre de la musique chorale que dans les domaines de la musique de chambre ou des œuvres symphoniques.

Femmes de Jérusalem est un cycle de cinq pièces pour chœur a capella que Caroline Charrière a composé pour répondre à une commande de l’ensemble vocal DeMusica de Fribourg. L’écrivaine suisse Marie-Claire Dewarrat a conçu pour l’occasion les textes (en français !) qui évoquent successivement Sarah (celle qui murmure), Marie (celle qui se tait), Marie de Magdala (celle qui appelle), Véronique (celle qui témoigne) et Marthe (celle qui demande). L’auteur a choisi ces femmes comme étant « les plus porteuses de symboles, les plus aptes à provoquer des résonances contemporaines ». L’œuvre a été créée le 15 septembre 2006 au Temple de Fribourg.

Sous la direction de Pascal Mayer, les chanteurs du Collegium Musicum interpréteront les pièces 2 à 5 de ce cycle poignant et tout en finesse. Le programme musical de cette « Méditation » sera complété par les Trois chants sacrés de Mendelssohn (avec Evi Gallmetzer, alto solo, et Mutsumi Ueno à l’orgue).

Vendredi 14 avril 2017 à 19h30

Programme de la Méditation du Vendredi Saint (en allemand)

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