Pour la troisième saison consécutive, les « Sempacher Tuchlaubenkonzerte » proposent leurs trois concerts annuels dans le bâtiment historique (construit en 1474) de l’Hôtel de Ville de Sempach. Le prochain rendez-vous dans l’ancienne salle des drapiers réunira samedi 13 mai 2017 la flûtiste Mirjam Lötscher et le pianiste André Docummun. Ces deux artistes bien établis en région lucernoise ont choisi de faire la part belle à des compositeurs de la région, avec en prime une création mondiale de Reto Stadelmann, un compositeur originaire de l’Entlebuch aujourd’hui établi en Allemagne.

Jeunesse en pays romand

A première vue, il n’y a rien de bien francophone à tout cela… sauf que Joseph Lauber, l’un des compositeurs à l’affiche (avec sa Grande sonate pour flûte et piano, op. 53), s’identifie bien davantage aux musiciens romands que lucernois. Né dans le village lucernois de Ruswil en 1864, ce fils de tailleur (et violoniste amateur) a déjà passé sa jeunesse à Neuchâtel, où son père dirigeait un petit orchestre de brasserie. Il est ensuite allé faire ses gammes au Conservatoire de Zurich, avant de devenir l’élève de Josef Rheinberger à Munich. De retour en pays neuchâtelois, il occupe ensuite des postes d’organiste à Serrières et au Temple français du Locle, avant de mettre le cap sur Paris pour se perfectionner auprès de Jules Massenet (composition) et Louis Diémer (piano).

Nommé à Genève

Joseph Lauber (Entlebucher und Emmentaler Musikarchiv, S. Schmid)

En 1897, Lauber est nommé professeur au Conservatoire de Zurich, mais il ne restera que quatre ans sur les bords de la Limmat. En 1901, il devient (pour six ans) premier chef d’orchestre au Grand Théâtre de Genève, où dirige notamment la première représentation genevoise de l’opéra Louise de Gustave Charpentier. Dans un même temps, il est nommé professeur au Conservatoire de Genève, un poste qu’il conservera jusqu’en 1951 ! Au fil de ce demi-siècle d’activité à l’institution de la Place Neuve (où il est aussi devenu doyen), Lauber a notamment enseigné le piano, l’histoire des formes et styles, l’instrumentation, l’improvisation et la composition libre. Parmi ses élèves figurent des compositeurs de renom comme Frank Martin, mais aussi Henri Gagnebin, André-François Marescotti et Bernard Reichel.

Abondante production

Largement oublié aujourd’hui par les organisateurs de concerts, Joseph Lauber est pourtant l’auteur d’un catalogue assez impressionnant, qui totalise quelque 200 œuvres ! Outre un opéra (La Sorcière, sur un livret de l’écrivaine et poétesse suisse Isabelle Kaiser), le compositeur a aussi signé nombre d’œuvres pour chœurs ou voix solistes. Parmi ces dernières figure le « Festspiel » Neuchâtel Suisse ainsi que l’Ode lyrique (1912) composée à l’occasion de la Fête fédérale de chant de Neuchâtel. Nombre d’œuvres vocales de Lauber ont été créées dans le cadre des Fêtes de l’Association suisse des musiciens, dont le musicien était un membre fondateur.

Ce compositeur d’origine lucernoise s’est en outre illustré dans le registre orchestral – notamment avec une douzaine de pièces concertantes et six symphonies – et le domaine de la musique de chambre, où il a signé entre autres plusieurs œuvres pour flûte, mais aussi pour la contrebasse. Fortement influencé par le romantisme tardif, Lauber a aussi témoigné au fil de son œuvre de son admiration pour des représentants de l’impressionnisme français comme Debussy et Fauré. Nommé docteur honoris causa de l’Université de Neuchâtel en 1941, Lauber est décédé le 28 mai 1952 à Genève, à l’âge de 87 ans.

Une cantate pour Sempach

Nombre de compositions de Lauber font explicitement référence au patrimoine populaire et à l’histoire de la Suisse. Son catalogue comprend ainsi une cantate pour soprano et orchestre intitulée Sempach (1903-04), qui vient s’ajouter à la riche production d’œuvres inspirées par cette bourgade lucernoise et la célèbre bataille qui s’y est déroulée en 1386. On y reviendra… après avoir dégusté le prochain concert de la série des « Sempacher Tuchlaubenkonzerte » !

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